VERS LE DÉCOR
The Beginner's Guide, Everything Unlimited, 2015
Assassin's Creed Unity, Ubisoft 2014
LE DÉCOR EST UNE REPRÉSENTATION FIGURÉE QUI DANS CERTAINS ARTS VISUELS ET NARRATIFS SERT DE TOILE DE FOND POUR SITUER ET LIMITER L’ACTION. C’EST LE CAS POUR LE THÉÂTRE, L’OPÉRA, LE BALLET, LE CINÉMA, LES MISES EN SCÈNE PRÉPARATOIRES POUR CERTAINS TABLEAUX CLASSIQUES, ET LE JEU VIDÉO. DERNIER ARRIVÉ DANS CETTE LONGUE LISTE D’ARTS QUI ONT RECOURS À DES DÉCORS, LE JEU VIDÉO APPORTE AVEC LUI CERTAINES SPÉCIFICITÉS QUI DOTENT LE DÉCOR DE JEU VIDÉO DE TRAITS ORIGINAUX.
“Les œuvres littéraires, filmiques ou picturales se perçoivent, les jeux vidéos s’essayent”
Mohamed Magdoul, "Images à voir, espaces à être", Revue Immersion 1
Dans les autres arts, il était faiblement activable (hormis les éléments de scène appelés accessoires), en étant la plupart du temps un élément illusionniste d’arrière-fond. Le décor au théâtre, l’opéra et au ballet se contente souvent de produire la fiction ou l’illusion d’un espace au-delà de la scène dans la direction opposée à celle des spectateurs.
Dans le jeu vidéo au contraire le décor peut être un élément déterminant du gameplay et peut même se confondre pratiquement avec celui-ci dans certains cas limites où la règle du jeu est de sortir du décor ou de parcourir entièrement le décor.
Le joueur est amené à parcourir le décor et les narrations qui l’accompagnent en imposant son rythme (contrairement au cinéma). Par un système d’affordance, de quêtes, ou de niveau, le décor pousse le joueur à agir et le guide. Il s’agit de level design. Le level design rassemble les éléments qui dans la construction d’un niveau, par exemple, vont faire émerger les règles et les mécaniques imposées par le Game Design, tout en apportant un univers et un rythme dans son exploration. Le Game design définit les règles en amont, elles vont ensuite s’appliquer et donner un sens au cours de l’expérience vidéoludique et apporter : amusement, objectif, challenge, et récompenses.
Dans le jeu vidéo, il y a le décor profond qui participe de la définition du gameplay et le décor superficiel qui est un habillage de ce décor profond. Mais cet habillage n’est pas qu’esthétique ou décoratif, car il peut contribuer fortement à enrichir les ambiances du jeu. Il serait même possible d’étendre la notion de décor au décor sonore (le paysage sonore de certains jeux vidéo a contribué à leurs succès en accroissant leurs efficacités immersives) et décor lumineux.
Pied-de-Biche, Half Life 2, Valve Corporation, 2004
Même dans les jeux vidéo à espace ouvert certains éléments du décor ne sont pas jouables. C’est bien pourquoi on peut encore parler de décors. Si nous étions dans un environnement virtuel intégral nous devrions pouvoir creuser des trous là où bon nous semble, et non seulement brûler toutes les forêts, mais également se servir des éléments de l’environnement pour façonner de nouveaux outils.
La fin du décor serait l’environnement virtuel intégral se donnant comme seconde nature ouverte à toutes les expérimentations permises par la physique du jeu. Une table dans un jeu vidéo, même quand elle manipulable de toute manière possibles reste un objet idéalisé comme pouvait le penser la mécanique newtonienne et non pas un assemblage complexe de molécules susceptibles de bien des réactions. On peut lui ajouter des propriétés nouvelles comme le fait de pouvoir être brûlée ou détruite (souvent de quelques manières déterminées), il reste aujourd’hui difficile de la programmer de telle sorte qu’il soit possible d’en tirer tout ce qu’il est possible de tirer d’une table réelle. Cette impossibilité est ce qu’il reste de décor dans la meilleure table de jeu vidéo par rapport à la table réelle.
La table du jeu vidéo n’est au mieux qu’un accessoire (ou plusieurs accessoires) en puissance.